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« Ceux qui racontent les histoires dirigent le monde. »

Proverbe indien

Prendre le temps de lire

Je raconte des histoires...

 

Bonjour

J'écris depuis l'enfance. Entre passion et métier, l'écriture est une aventure au quotidien. J'écris pour des entreprises, des médias, des éditeurs, des lecteurs fidèles et surtout, pour le plaisir des mots et des milliers d'histoires à raconter. Je suis également coach intuitif spécialisé sur les blocages émotionnels, visualisations et changements profonds autour de la confiance en soi, voir Filtre d'amour, philosophie d'accompagnement.

L'écriture est un art d'aimer et de voyager, il donne sens et essence au temps et à la vie.

Bonne lecture

Stylo plume
Portrait
Exemple de Thérèse

 

Thérèse Tauirai ou Mama Thérèse est créatrice de bijoux. Femmes de Polynésie vous invite à découvrir son amour pour les coquillages, la création et les bijoux et aussi, son engagement pour les femmes, la préservation de notre culture et de l’eau, ressource qui la nourrit au quotidien.

UN ENFANT DE MAUPITI

Thérèse a un regard bienveillant, un brin facétieux, un brin nostalgique. Cette dame de 53 ans accueille spontanément dans sa boutique. Après la visite, elle aime inviter les visiteurs à s’asseoir sur le banc devant son atelier de création, « parce qu’on peut y parler tranquillement. » Vite, Thérèse livre la mémoire de sa vie dédiée aux coquillages, aux bijoux et à la mer.

Thérèse a toujours vécu à Maupiti. Elle aime son lagon qu’elle voit changer. Elle le préférait avant, le soleil était moins brûlant, l’eau était moins chaude et les coraux brillaient de mille couleurs dans l’eau turquoise limpide. Elle se souvient qu’elle récoltait les coquillages au pied de la maison de son père. Maintenant, elle doit partir plus loin. Certains disent qu’elle est trop vieille mais, pour Thérèse, il n’est pas question d’arrêter… « Les coquillages, c’est ma vie ; la mer, c’est ma vie. »

UNE CRÉATRICE ENJOUÉE ET INSATIABLE

Dans l’atelier de Thérèse : des créations les plus originales les unes que les autres. le dernier né, un magnifique collier rose et orangé, « c’est ce que j’aime dans les coquillages… Leurs couleurs ». Elle dispose plusieurs coquillages sur une table puis les regarde attentivement. Là, en l’espace d’un instant, les dessins lui « apparaissent » et elle commence à créer sa prochaine parure. Thérèse aime créer, inventer des nouveaux bijoux.

« Dès que je termine un bijou, je pense déjà au prochain. Pour moi, le coquillage, c’est un mystère que ton bijou peut dévoiler… J’adore créer des histoires à travers eux. »

Et la créativité, Thérèse l’a dans le sang, elle n’a pas une minute à perdre, le temps est trop précieux.

LES FEMMES, « LE NOYAU DE LA VIE ET DE L’AVENIR »

« La vie tu sais, tout change très vite. » Pour Thérèse, la femme joue « un rôle essentiel au temps, elle joue un rôle capital car la femme est au centre de la famille, elle est le noyau de la vie. La femme polynésienne connaît tout, survit à tout et les jeunes femmes polynésiennes doivent en avoir conscience. » Sous ses airs nostalgiques d’une autre époque, Thérèse est fondamentalement moderne. Elle est convaincue que les femmes ont leur mot à dire…

« Pourquoi alors, il y aurait des femmes qui ont eu de la hauteur ? Dis-moi ? Des femmes comme Jeanne d’Arc par exemple. »

Hémato nous rejoint, c’est sa petite-fille. Thérèse caresse ses cheveux avec un air attendri. Hémato insiste pour qu’on prenne sa grand-mère en photo et Thérèse ironise sur son foutu caractère. Puis son regard se ravise…

« Je crois que c’est pour ça que Dieu a créé la femme en second, c’est parce qu’il avait pitié de l’homme. Qu’est-ce que c’est un homme, sans une femme ? »

 

Pas de doute, les femmes doivent être autonomes, elles doivent travailler. C’est vrai que pour Thérèse, elles sont essentielles à la gestion de l’eau.

L’EAU EST « LE RESPECT DE LA VIE »

Quand elle était enfant, Thérèse buvait l’eau de pluie, elle n’a jamais été malade. Aujourd’hui, sa petite-fille lui donne de l’eau de la fontaine. Elle grimace : « je n’aime pas cette eau, elle me rend malade. » Puis elle rit. Elle avoue ne pas être habituée au goût de cette eau. Pour elle, cette eau n’a pas de trace. Elle ne porte pas l’héritage de ses ancêtres, elle ne transmet pas ce qu’elle a appris. C’est ça qu’elle voudrait aujourd’hui donner à sa petite-fille et ses autres petits-enfants, le souvenir de cette eau précieuse qu’elle récoltait quand elle était enfant et qui signifiait « le respect de la vie. »

Portrait pour Femmes de Polynésie

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La source de Zeinab

Leila n’aimait pas Zeinab. Elle avait la peau terne, le teint fatigué, les joues tannées par le froid et le soleil. Ses mains ressemblaient à des cailloux et ses épaules à des enclumes rouillées et lourdes. Elle venait de la campagne, d’un bled perdu dans la vallée. Sa mère lui avait expliqué, c’était non loin de Beni-Mellal et des cascades d’Ouzoud qu’elles avaient visitées l’été dernier. Leila avait aimé cet endroit. Elle ne se souvenait pas d’avoir vu des femmes si mal habillées, si négligées. C’était cette Zeinab qui ne savait pas prendre soin d’elle. Il fallait la voir pour le croire. Ses vêtements étaient si sales, elle respirait la campagne boueuse et vulgaire. Elle discutait maintenant avec sa maman. Elles étaient si différentes.

 

Sa mère, elle, était belle avec sa peau de miel, son teint lumineux, les joues rosées par l’amande douce et l’argan. Ses mains étaient délicates et fraîches, ses épaules portaient son cou élégant et distingué. Sa robe mauve et dorée dégageait un parfum discret de musc que Leila aimait tant. Sa maman prenait soin d’elle, c’était agréable de la regarder.

 

Leila les observa en boudant. Les deux femmes parlaient avec vigueur et Leila ne comprenait pas ce que sa mère pouvait bien dire à cette paysanne dénuée d’intérêt. Leila regarda la route, enfin elles arrivaient à la zaouïa. Leila avait hâte d’entrer dans cette école qui enseignait la religion. Elle voulait se retrouver avec les femmes et prier avec elles, comme une dame, comme une femme. À la porte d’entrée, une dame les accueillit. Elle s'appelait Aïcha. Elle souriait avec douceur. Sa peau était blanche et ses cheveux d’un ébène roux rare. Elle portait des boucles brillantes discrètes et sa tunique était parée de pierres fines dessinant des arabesques jaunes sur un tissu soyeux couleur de l’azur. Ah ! Elle était si raffinée, elle plut tout de suite à Leila.

 

Aïcha les mena dans une salle réservée aux femmes. Elles s’assirent en silence, toutes semblaient attendre les instructions d’Aïcha. Leila était contente, elle pouvait enfin être près de sa mère. Elle était si impatiente de découvrir ces activités d’adultes qu’elle n’écouta pas ce que disait Aïcha, scrutant attentivement le visage des femmes réunies autour d’elle. Beaucoup étaient belles, bien coiffées, alors que d’autres ressemblaient à Zeinab, mal fagotée, mal arrangée. Leila ne put cacher une expression de dédain, dégoûtée par leur présence. Sa mère surprit son expression et la gronda du regard en lui faisant signe d’écouter.

 

« Ce ne sont pas des manières pour une jeune femme bien éduquée. Écoute et apprend. »

Leila soupira silencieusement et regarda Aïcha s’animer.

 

— L’eau a trois fonctions essentielles dans notre zaouïa. Tout d’abord, c’est l’eau de la déambulation… Au moment de la procession sacrée, nous tournons autour de l’eau. Puis, l’eau, c’est la source. C’est le zamzam, la source sacrée de l’islam. Elle baissa les yeux et murmura une prière. Aïcha avait maintenant des yeux malicieux.

— Enfin, il y a l’eau des femmes. Notre eau.

 

Aïcha avait eu une expression fière qui fit rire le groupe. Après quelques échanges de blagues joyeuses, le groupe reprit sa quiétude pieuse.

— Cette eau, mes amies, nous a été donnée car elle a le pouvoir d’absorber nos conversations et nos secrets les plus intimes. Leila n’en croyait pas ses oreilles. Une source pour les femmes, une source magique pour échanger sans avoir peur et pour parler en toute liberté. Aïcha expliqua que chaque participante pouvait formuler une prière qui serait reçue par l’eau.

 

Assise à côté d’Aïcha, Zeinab fut invitée à commencer. Leila grimaça, elle ne voulait pas l’écouter, elle. Puis brusquement, entre les rides creusées du visage de Zeinab, émergea un sourire clément, si doux qu’il irradia de bonté. Aïcha l’avait réconfortée pour qu’elle dépasse sa timidité et Zeinab s’était détendue, ouvrant les mains d’un geste généreux et touchant. Sa voix, tout d’abord hésitante, prit de la vigueur et vogua comme un ruban délicat sur le groupe des femmes captivées par son expression simple et apaisante.

 

— Chez moi, nous devons porter l’eau. Tous les jours. Pendant des heures. Mes mains sont fatiguées, mes épaules sont voûtées. Je ne prends plus soin de mes cheveux ni de ma peau, je n’ai pas le temps. Je n’ai plus la force. Je souhaitais vous dire, mes sœurs, que si j’avais un souhait pour mes amies, mes filles… C’est que nous ayons un robinet chez nous. Je sais que nous habitons dans un endroit isolé mais c’est tout ce que je souhaite pour mes enfants et ma famille.

 

Sur ces paroles, les femmes récitèrent une prière en cœur. Leila avait mordu ses lèvres. Elle venait d’apprendre une leçon. Elle regarda l’eau qui remuait, bercée par le vœu prononcé à l’unisson par les femmes. Elle ferma les yeux. De tout son cœur, elle pria pour que Zeinab ait accès à l’eau, pour que toutes les femmes vivant à la campagne aient accès à l’eau… Pour que les filles de Zeinab aient la peau douce, les cheveux soyeux, les mains aussi délicates que les filles de la ville.

Ce conte inspiré des rencontres et des terrains cultivés au Maroc, mon pays de cœur. En particulier, il s’appuie sur les précieuses informations de Fatima Choufqui, doctorante travaillant sur les zaouïas au Maroc et à qui il est dédié.

Les cascades d’Ouzoud se trouvent entre Marrakech et Beni-Mellal.

Zaouïa : édifice religieux musulman qui a également une fonction sociale de transmission des valeurs de la société musulmane. Zamzam : source sacrée de l’islam

Conte extrait du livre "Raconte-moi l'eau" aux Editions Autrement.

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Les histoires que j'ai partagées

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